Un désir flamboyé ! - Emmanuel Hervé

n° 44

les ateliers du ri3

« Évaluer tue »

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danielroy@wanadoo.fr ; herve.damase@orange.fr

Modérateur : Jean-Robert Rabanel

FLORILÈGE DES JOURNÉES (suite)

Un désir flamboyé !

Emmanuel Hervé

Heureux de retourner travailler à l’ime le lundi suivant les journées du RI3. Heureux de retrouver tous ces jeunes sujets que j’accompagne au quotidien et qui m’enseignent sur une pratique à conduire. Ces journées ont eu pour moi un effet de levier ; je me suis dit qu’il y avait urgence à mobiliser, à transmettre et à faire « flamboyer le désir », comme l’a dit Alexandre Stevens. C’est ce désir brûlant qui a été, pour moi, moteur dans l’après-coup.

En effet, les conférences plénières ainsi que les présentations de cas étaient très riches d’enseignement. On y percevait la joie qu’ont ces professionnels à travailler à plusieurs. On ressentait leur désir d’accompagner ces jeunes sujets en souffrance. Ce désir insufflé par la psychanalyse et sur lequel il ne faut surtout pas céder, car il est très précieux. Il résonnait, à ces journées, « la joie si particulière qui anime la pratique singulière de chacun », comme l’a écrit Nathalie Georges. La psychanalyse est cette boussole qui nous guide dans notre pratique et nous oriente à faire ce pas de côté indispensable à la prise en charge de ces sujets psychotiques que nous accueillons.

J’ai en mémoire l’exemple de cet éducateur qui travaillait dans un internat. Au moment du coucher, un jeune garçon en colère se met à l’insulter, en lui disant : « Ta mère la pute. » Au lieu de faire intervenir la loi et le « ce n’est pas permis de dire cela à l’adulte », l’éducateur lui répond tout naturellement : « Ah bon, tu connais ma mère, tu voudrais la rencontrer ? » Ce décalage (osé) dans la réponse a eu pour effet de surprendre le jeune qui a retrouvé son calme. Tant d’exemples cliniques entendus, qui ne sont certes pas des méthodes ou des modes d’emplois, illustrent combien une réponse singulière, qui en passe parfois par la théâtralisation de l’intervention, peut avoir un effet pacifiant sur un jeune qui est agressé par l’Autre. Ces réponses sont des actes qui visent, pour le sujet, un traitement de la jouissance. Mais pour cela, il faut repérer à quoi à affaire l’enfant ; il faut donc « déchiffrer la logique du cas », comme l’a indiqué Judith Miller dans son ouverture des journées.

Ce travail de déchiffrage ne peut se faire que par la pratique à plusieurs, par ce travail de réflexion commune, où l’on essaie de savoir ce qui cloche dans la rencontre avec ces enfants. Qu’est-ce qui fait symptôme chez le sujet, et comment nous, intervenants, allons pouvoir manœuvrer pour nous faire partenaire symptôme du sujet ? Ce que nous avons appris sur l’urgence, c’est qu’elle est singulière et donc à traiter au cas par cas. Impossible d’appliquer un protocole de violence ou une procédure comme le font certains courants relevant, soit disant, du soin.

Ces journées sont venues renforcer l’idée à laquelle je crois depuis que je travaille en IME : la psychanalyse est ce qui réveille en moi la joie à venir rencontrer tous les matins ces jeunes sujets. Ce décalage vis-à-vis du discours du maître, de la norme sociale, offre une perspective de travail exceptionnelle, qui mérite que l’on continue à résister aux politiques évaluatives qui tuent, étouffent le désir, le sujet.

Emmanuel Hervé est éducateur spécialisé à l’Institut Médico-Éducatif d’Ancenis (44).