Tagada, iPod, doudou et roudoudou - Françoise Labridy

n° 47

« ÉVALUER TUE »

Forum du 7 février

Tagada, iPod, doudou et roudoudou

Françoise Labridy

Anticiper la suite du mouvement, dans l’élan de celui insufflé par Jacques-Alain Miller aux Journées de novembre 2010, le multiplier, en démultiplier la puissance dans les différentes institutions du champ freudien, mais aussi en chacune et chacun d’entre nous qui quotidiennement nous coltinons avec les impasses du vivant et les impérities d’un monde pris dans une recherche effrénée de toute puissance.

Qu’est-ce qui meut, qu’est ce qui émeut un corps, qu’est-ce qui le met en mouvement et pourquoi ? Comment faire place, et non pièce, à cette énigme « d’avoir un corps », sans savoir quoi en faire ? Comment tenir cela ouvert, afin qu’un sujet puisse s’emparer de la question de ce qu’il fera des jouissances qui le traversent pour s’en faire une vie ? Les enfants et les adolescents modernes crient, agitent, par la distorsion de leurs symptômes, les adultes qui les entourent, qui parfois n’ont d’autres ressources que de répondre par les diktats de bienséances se prétendant scientifiques, qui envahissent le discours courant, alors qu’ils ne sont qu’une somme de bêtes préjugés. C’est ainsi que la prescription de la Ritaline® peut devenir aussi évidente que celle de la fraise Tagada ou du roudoudou... et ne plus poser de questions. Qu’il puisse y avoir d’autres façons d’envisager ce qui se passe dans les corps, entre les corps et dans les objets qui médient leurs échanges, que d’y satisfaire, parfois ne peut même plus se poser, pour pouvoir se penser. Comment courir plus vite que ce qui parvient même à faire inertie en chacun d’entre nous ? Comment rompre avec nos propres préjugés, pour déchiffrer, en chacun des lieux où nous pratiquons, le signe de quelque chose qui ne peut pas passer, au risque d’en mourir s’il ne trouve un accueil à ce qui insiste à vouloir vivre et ne sait ni comment se dire, ni se faire. Endormir les enfants, les adolescents, ne réduira pas leurs hurlements, nous endormir nous laisserait croire que cela passera. La guerre oui (merci Judith Miller), les armes oui (merci Catherine Lacaze-Paule), mais aussi le rire (merci Marie Laurent, Stéphane Morin), la démunition, la fragilité, l’allégement (merci Viviane Durand) d’accepter l’incertitude de l’a-venir et de ne pas s’en apeurer.

Difficile de laisser venir à l'être, sans prédiquer sur l’être. Il ne s’agit pas de réduire le mal à la racine, comme certains le croient possible, (loup, loup ! où es-tu ? que fais-tu ?) parce que le mal n’est pas là où il est désigné. Que chacun puisse entendre un tout petit peu, un peu, beaucoup... de l’opacité de la jouissance toujours singulière qu’implique son appartenance au règne des vivants-parlants, n’est ce pas ce que vise « l’éducation freudienne » ?

Déchiffrer, traduire, « lire ce qui n’a pas été écrit avec des mots, dans la parole » (merci Lucie Wolf) laisse des traces sur le corps, d’où se fomente la répétition des passages à l’acte. C’est à plus d’un, en s’appuyant les uns sur les autres, en nous enseignant de nos singularités d’arrimage de nos jouissances, tout en les articulant à celles des autres, que s’ouvre un chemin, plus vivable.

Pour parer à ce qui apeure et angoisse, je vous invite à venir potentialiser la joie que chacun trouve dans l’invention de ses pratiques. Poursuivons le mouvement et l’élan entamés aux Journées de novembre. Après l’AMP, la route vers Rennes passe curieusement par Nancy (qui l’eut cru ?) au Colloque du CIEN, à Nancy, le 5 juin 2010. Venez jouer de vos