« Comment on fait flamber le désir » - Laure Naveau

n° 50

les ateliers du ri3

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danielroy@wanadoo.fr ; herve.damase@orange.fr

Modérateur : Jean-Robert Rabanel

« Comment on fait flamber le désir »*

Laure Naveau

Nous remercions Laure Naveau de nous autoriser à publier la fin de son intervention du samedi 23 janvier, aux Journées du RI3, où elle nous mettait sur les traces d’un désir inédit, et brûlant, celui de faire « flamber le désir », désir qui n’est pas anonyme…

* L’expression « Comment on fait flamber le désir » est de Jacques-Alain Miller, Carnet du 5 octobre 2009.

[…] Si Lacan assigne l’analyste à répondre à l’urgence de « donner cette satisfaction qui préside à la demande d’analyse », pour que les analyses se terminent, la question se pose donc de savoir comment quelqu’un peut se vouer à satisfaire ces cas d’urgence (urgence n’est pas sens !). En différenciant cette vocation de celle de l’amour du prochain, toujours suspecte dans cette perspective, Lacan précise que l’offre de l’analyste est antérieure à la requête d’une urgence ; ce qui résonne avec la formule lancée dans La direction de la cure qu’ « avec de l’offre, je crée la demande ». Cette urgence, l’on n’est pas sûr de la satisfaire, poursuit-il, « sauf à l’avoir pesée ». Et comment peser la requête de cette urgence à donner la satisfaction demandée, si ce n’est en l’ayant, soi-même, éprouvée grâce à une analyse poussée à sa fin ? Je me souviens avoir évoqué, à Bordeaux encore, non seulement ce sentiment d’urgence qui avait accompagné ma demande d’analyse, mais aussi la hâte qui m’habitait dans le moment de conclure, plus de quinze ans après. Une hâte qui répondait à un franchissement clinique et politique de l’angoisse et qui m’a précipitée vers la sortie et vers la passe.

La passe est une demande. Elle repose donc sur le sentiment d’avoir atteint la satisfaction de pouvoir tenir le désir de soutenir les cas d’urgence tels qu’on en avait soi-même été un pour l’autre. Et il peut arriver que la rencontre, tuché toujours imprévisible, avec l’opacité de sa propre jouissance, implique de retourner voir son analyste pour élucider, encore, l’obscur. Il y a là à accepter un « ne pas cesser de passer la passe ». Être sur la brèche, apporter sa pierre à l’édifice, cela donne de la joie, autre nom de la satisfaction.

Si l’insolubilia majeure de la psychanalyse, c’est l’inexistence du rapport sexuel, l’urgence reste celle de toujours désirer prendre position par rapport à cette inexistence, d’en déduire ses déterminations intimes, de la prendre à sa charge, pour trouver en soi quelque chose de nouveau qui contribue à faire avancer la psychanalyse. L’Autre n’existe pas, mais la jouissance existe, et la psychanalyse n’existera plus, ni aucun psychanalyste, si nous ne la faisons pas, sans cesse, exister par nos actes, ici, maintenant.

Dans son Carnet du 4 novembre 2009, Jacques-Alain Miller livre cette pierre précieuse, en posant la question de « comment on fait flamber le désir ». C’était juste avant la tenue des dernières Journées, à l’acmé de cette cavalcade joyeuse sur le « devenir analyste au XXIe siècle ». J.-A. Miller résout cette question du désir qui flamboie en donnant sa formule, à lui, de ce qu’il appelle « un cocktail instable », fait de son goût pour la hâte et l’improvisation. Formule qui peut nous servir. Je l’écris : hâte + surmoi+ éthique des conséquences.

La hâte, précise-t-il, y est équivalente à l’objet petit a ; son surmoi féroce, à une exigence de bien dire et de bien faire ; et l’éthique des conséquences, à la volonté d’assumer ses décisions, à « ne jamais refiler le bébé à quelqu’un d’autre ». À quoi il ajoute l’ironie propre au Witz… Effet détonnant garanti, dit J.-A. Miller, en l’opposant à ce qui lambine, s’embrouille, s’englue, signes pour lui de ce qu’on n’y est pas. […]